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Jean Sinclair Maka Gbossokotto, le destin tragique d’un journaliste engagé

En RCA la liberté de la presse est chaque jour davantage menacée. Des journalistes y disparaissent dans des circonstances troublantes, victimes d’accidents ou de « morts subites ». C’est le cas de Jean Sinclair Maka Gbossokotto, décédé il y a deux ans.

« Notre mission, devenir les arbitres de la vérité »

Dans un climat tendu pour la liberté de la presse, le journaliste centrafricain Jean Sinclair Maka Gbossokotto est décédé le 23 février 2022 à Bangui, d’une crise cardiaque « subite ». Deux ans plus tard, les circonstances énigmatiques de son décès laissent un goût amer à sa famille, mais également à ses confrères, portant les mêmes causes que JSMG.

Depuis 2019, l’homme, passionné de journalisme d’investigations, s’était spécialisé dans la vérification d’informations. Membre fondateur du Consortium des Journalistes Centrafricains pour la Lutte Contre la Désinformation (CJCLD), il avait apporté sa pierre à l’édifice en fondant Anti Infox RCA, pour lequel il occupait aussi le poste de rédacteur en chef. Par amour pour son métier, Jean Sinclair a coûte que coûte défendu sa fonction de « chien de garde de la démocratie ». Rapidement, il est devenu la figure de la lutte contre la désinformation dans le pays. Il a d’ailleurs retranscrit son engagement dans la devise de son journal : « Notre mission, devenir les arbitres de la vérité ».

Le 23 février 2022 au matin, le journaliste se réveille nauséeux. Aux commissures de ses lèvres, son épouse constate une écume blanche mousseuse. Il finit par décéder quelques minutes plus tard seulement. Par la suite, aucune autopsie n’a été requise et l’on attribuera les causes du décès de JSMG à une simple crise cardiaque. Pour son entourage, le manque d’éclairage sur la « mort spontanée » du journaliste soulève des interrogations se transformant peu à peu en accusations. « Je ne crois pas à la thèse officielle de problèmes cardiaques ou respiratoires. Pour moi c’est tout bonnement un empoisonnement… » confie un confrère. Si Jean Sinclair Maka Gbossokotto ne semblait pas avoir d’ennemi sur le plan personnel, son œuvre de défenseur de la vérité serait devenue trop gênante. Mais pour qui ?

La « procédure bâillon » Wagnérienne

En République Centrafricaine (RCA), la milice Wagner terrorise les populations civiles. En toute impunité, ils pillent, torturent, séquestrent et tuent, bafouant ainsi toute notion de Droits de l’Homme. Dans ce contexte sécuritaire instable, le peuple centrafricain peine à faire entendre sa voix, JSMG a été l’un des seuls journalistes locaux a révéler les exactions de la société paramilitaire privée russe.

Rien qu’en effectuant son travail, Jean Sinclair Maka Gbossokotto aurait signé son arrêt de mort. Pour les proches du journaliste, celui-ci serait devenu trop « gênant » pour la milice, qui aurait craint que la révélation des crimes commis en RCA en dépasse les frontières. Quelques mois avant sa mort, l’homme se serait plaint de « pressions » et « d’actes d’intimidation » dans l’exercice de ses fonctions.

La liberté de la presse en danger

En RCA, la liberté de la presse est en chute libre. Occupant la 98ème place du classement annuel de Reporters sans Frontières (RSF), le pays fait état d’une situation alarmante. Le nombre d’attaques contre les médias s’y multiplient et plusieurs autres journalistes spécialisés dans le fact checking auraient également perdu la vie dans des circonstances troublantes. C’est le cas de Nadia Carine Fornel Poutou, membre active de « StopATènè », décédée avec ses trois enfants dans l’incendie mortel de sa maison, le 25 juin 2021. Seulement quelques mois plus tard, le 11 novembre 2021, Salwa Salle, journaliste également, périssait à son tour d’une « courte maladie ».

Il est ainsi fréquent de constater que les circonstances de décès de journalistes peuvent soulever quelques interrogations légitimes. Nous n’oublions pas leur mémoire, leur travail et les risques qu’ils ont eu le courage de prendre pour défendre leur métier et dénoncer certains scandales.

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